La rentrée des classes, c’est le 17 septembre prochain, soit dans 14 «petits» jours. Sera-t-elle effective comme le souhaite M. Gilbert Bleu-Lainé, ministre de l’Education nationale ? Rien n’est moins sûr, tant les acteurs et partenaires du système éducatif, sur le terrain, sont eux-mêmes sceptiques, élèves et parents d’élèves notamment.
La plupart des élèves interrogés pensent qu’un report serait le bienvenu. Et pour cause : des problèmes logistiques sont toujours en suspens. Et d’égrener principalement, les résultats encore tout frais des examens de fin d’année qui n’ont pas encore été totalement vidés, la commission nationale d’orientation (CNO) n’étant même pas à pied d’œuvre. La longueur exceptionnelle de l’année scolaire 2006-
Préoccupation quasiment identique chez certains enseignants. « C’est seulement maintenant que les résultats des examens à grand tirage sont connus. Pour nous, chefs d’établissemens, qui avons été chefs de centre des examens du BEPC, nous n’aurons pas eu de vacances », grogne M. F. S, directeur d’école. Les centres d’examens du BEPC, faut-il le souligner, sont ouverts jusqu’à ce lundi 3 septembre pour les réclamations. Tout compte fait, les membres des jurys n’auront en définitive qu’une dizaine de jours de… vacances ( ?).
A l’opposé de ces argumentations, il y en a qui sont plutôt favorables à la reprise des cours à la date indiquée du 17 septembre. Les multiples grèves de l’année dernière n’ont pas permis aux enseignants de terminer les programmes, estiment grosso modo, les partisans de la reprise immédiate. Cela permettrait, estiment-ils, de donner une dernière touche aux programmes de l’année dernière.
Entre ces deux avis, les parents d’élèves évoquent (comme chaque année, d’ailleurs) l’argument massue des moyens financiers. Comme chaque année, il s’avère que financièrement, nul n’est prêt. «Démarrer l’année scolaire en plein milieu du mois est irréaliste», relève, sceptique, M. Ernest Kouamé, agent de sécurité, qui, manifestement, ne fait pas de cette rentrée un souci majeur. «Les choses sérieuses ne pourront commencer qu’en octobre», pronostique-t-il, fort des expériences répétées chaque année.
Les manuels scolaires pas encore disponibles
La formation par compétences, ce nouveau concept d’enseignement entamé l’année dernière et qui doit se substituer progressivement à l’enseignement par objectifs, arrive cette année dans les classes de CE (Cours élémentaires). Dans cette mouvance, «Ecole et Développement», les manuels utilisés jusqu’alors, ont été remplacés par «Ecole et Nation».
Alors que la rentrée pointe du nez, ces manuels ne sont pas encore disponibles pour les classes de CE. Joint par téléphone, M. Ballo de
L’année passée déjà, ce problème s’était posé au niveau des cours préparatoires (CP). Les livres n’ont été disponibles, dans les librairies et les inspections de l’enseignement primaire, qu’au mois de mars dernier, soit près de six mois après la rentrée officielle des classes. Les guides-maîtres, ces précieux manuels qui aident aux préparations des classes, n’ont été livrés aux enseignants qu’en juillet dernier, alors que l’air des vacances était déjà aux portes des écoles.
Les parents demandent le report de la rentrée des classes
Dallo Jérôme, Commerçant
Pour la rentrée du 17 septembre, je ne suis pas de ceux qui pensent qu’elle sera possible. Les résultats des examens viennent à peine d’être connus. Les orientations des élèves des classes de 6ème et de seconde n’ont pas encore été faites. A quel moment la commission se réunira pour les différentes orientations de ceux-ci ? Il faut que le gouvernement fasse un effort pour reporter la rentrée en octobre.
M. Gnagne Agbri Antoine, Fonctionnaire à la retraite
Je suis pour cette date, parce qu’il y a eu trop d’arrêts l’année passée. Mieux vaut commencer tôt pour être certain que les enseignants termineront leur programme. Même si on met la rentrée en octobre, il y aura toujours des personnes pour évoquer le manque d’argent. J’estime qu’un parent d’élève doit préparer la rentrée scolaire dès la fermeture des classes.
M. Dibi Marcel, Entrepreneur
Ce n’est pas possible. Quand est-ce que les orientations seront effectives pour que les parents aillent chercher les tuteurs pour leurs enfants ? Je suis de Dabou. Si mon enfant est affecté à Agboville par exemple, comment vais-je faire ? C’est pourquoi je supplie le ministre de repousser la date de la rentrée au mois d’octobre.
M. Kahou Paul, Adjudant-chef-major des FANCI à la retraite.
On nous demande de retourner dans nos régions, parce que la guerre est finie. Si nous devons partir, c’est bien entendu, avec nos enfants. Nous n’avons même pas encore regagné nos villages et on nous parle déjà de la rentrée. Il faut que les gens consultent les archives. C’est le mois d’octobre qui est le mois de rentrée en Côte d’Ivoire depuis longtemps. Ce n’est pas parce que les élèves rentrent en septembre en France que nous sommes obligés de les suivre.
Mme Ouattara Awa, Secrétaire de direction
Il faut donner un temps de récupération aux enfants et permettre aussi aux parents de s’apprêter. Mon enfant suit actuellement des cours de vacances qui prennent fin le 15 septembre et déjà, le lendemain, elle doit reprendre l’école… Autre chose : septembre est la période de jeûne cette année. C’est une période où on effectue beaucoup de dépenses. Si à cela, nous devons ajouter les frais d’écolage, nous allons beaucoup souffrir.
Mme Yao Jocelyne, Directrice d’école
Mon problème se situe au niveau des frais d’écolage dans le primaire. Le ministre a dit, et chaque année c’est la même chose, que «l’inscription reste gratuite dans le primaire». Alors qu’il sait que c’est le Coges (Comité de gestion des établissements scolaires, Ndlr) qui fixe le montant à payer. Quand il donne une information pareille, certains parents refusent de s’acquitter des frais d’écolage qui permettront de payer les salaires des gardiens, de faire face à certaines dépenses dont les factures de téléphone, la peinture des bâtiments… Je souhaiterais qu’il fasse plus de précisions pour éviter la polémique.
Mlle Koutouan Andréa Emmanuelle, Elève en classe de CE2 à l’Epp Deux-Plateaux Nord
Nous n’avons même pas eu le temps de nous reposer. Nous sommes partis en vacances en juillet et déjà, on nous demande de reprendre le chemin de l’école. Même notre émission Wozo n’est pas encore finie. Nous ne sommes pas prêts.
Tra Bi Tra Guillaume, Chauffeur de taxi
Cela ne nous arrange pas. Actuellement, tout le monde a des problèmes financiers. Même les plus riches pleurent, à plus forte raison nous, les pauvres. Moi, j’ai trois enfants à l’Université, trois autres au lycée et deux qui viennent d’obtenir leur entrée en 6ème. Je ne sais pas encore dans quel établissement ils seront orientés. Si on les affecte à l’intérieur, il faudra aller chercher des tuteurs. Pensez-vous que cela soit possible pour moi ?
Andrédou Eloïse, Ménagère
Il est préférable que l’on attende octobre pour permettre aux parents de mieux s’apprêter. Pour l’instant, nous n’avons pas d’argent ; c’est pourquoi nous demandons au ministre de revoir sa position.
Source: Fraternité Matin