Prof Adoubi Innocent (Directeur du programme national de lutte contre le cancer), 60% des cancers sont guérissables

30 octobre 200715min2110

Vous êtes le premier directeur du Programme national de lutte contre le cancer. Quelles sont vos priorités ?


Avant de parler des priorités, je voudrais dire que le programme national de lutte contre le cancer en Côte d’Ivoire est une initiative du ministère de la Santé publique. Dès qu’il a pris fonction, le Dr Allah Kouadio Rémi a fait du cancer l’une des priorités de son ministère. C’est ainsi qu’a été pris en mai 2007, un arrêté portant création du programme national de lutte contre le cancer et en septembre, un Directeur national a été nommé. C’est pour vous signifier l’engagement du ministère de la Santé publique à faire du cancer, un axe prioritaire dans son action en général.
Mais c’était aussi votre combat, vous luttiez pour que ce programme existe.
Oui nous luttions, mais ce programme ne serait pas créé s’il n’y avait pas une volonté du ministère. Nous tenons à lui exprimer toute notre gratitude.


Quelles sont vos priorités en tant que premier directeur de ce programme national de lutte contre le cancer ? C’est toute une responsabilité.


Il faut dire que les priorités vont partir d’un constat. En Côte d’Ivoire, nous avons environ 15.000 nouveaux cas par an de cancer selon les statistiques de l’OMS. Cela dénote d’une grande fréquence du cancer quand nous nous comparons au Sénégal, où il y a 8500 cas de cancer chaque année.


Pourquoi le taux de cancer est plus élevé en Côte d’Ivoire ?


Il n’y a pas encore d’étude pour expliquer cette différence. Mais, il faut seulement savoir que vu la pandémie du VIH SIDA, qui augmente la fréquence de certains cancers, tels le cancer du col de l’utérus et les cancers ano-rectaux, il y a des raisons de voir croître le nombre de cancer. Ensuite, il y a la pollution atmosphérique et l’augmentation de la consommation du tabac au sein de nos populations qui sont aussi des facteurs de risque de ce cancer lié à l’hépatite B. Puisque nous sommes dans une zone épidémique d’hépatite, tout cela permet d’expliquer la croissance des cancers en Côte-d’Ivoire.


Quels sont les cancers les plus fréquents ?


Les cancers les plus fréquents sont, chez la femme, le cancer du col de l’utérus et le cancer du sein ; et chez l’homme le cancer du foie et le cancer de la prostate. Chez l’enfant nous avons un cancer particulier


Chez l’enfant nous avons un cancer particulier qu’on appelle lymphome de Pourkitt.


Votre action va-t-elle tenir compte de ces particularités ?


A partir de ce constat, il existe des choix prioritaires, en matière de stratégie. Et notre action va être essentiellement basée sur la prévention et la sensibilisation aux cancers les plus fréquents en Côte d’Ivoire. La deuxième action sera la mise en place d’un centre d’oncologie. Afin de pouvoir prendre en charge nos patients atteints d’un cancer de façon beaucoup plus complète et de mettre un frein aux évacuations sanitaires qui constituent un coût important pour l’Etat de Côte d’Ivoire.
Ensuite, nous n’allons pas oublier la nécessité de la mise en place d’un fonds d’aide aux patients, parce que la prise en charge de ces maladies chroniques est très onéreuse. Et il faut pouvoir trouver une solution pour une prise en charge des patients afin de pouvoir mieux les traiter.


Comment expliquez-vous la mentalité des femmes qui ne prennent pas toujours des mesures préventives face au cancer ?


Il faut savoir que le problème du cancer est d’abord un problème d’information. Lorsque l’Association ivoirienne de lutte contre le cancer (AILC) menait ses campagnes de sensibilisation et de dépistage, les enquêtes qu’elle nous a fait parvenir, ont montré que plus de 80% des femmes interrogées n’ont pratiquement pas entendu parler du cancer ; ou ont des informations très éparses voire émiettées sur le cancer. Donc l’information est une chose très très importante. C’est pour cela que les mass media doivent s’impliquer de manière beaucoup plus forte dans cette lutte. Parce que c’est l’information qui permettra aux femmes non seulement de pouvoir participer aux campagnes de dépistage, mais aussi de pouvoir consulter tôt en cas de signes d’alerte.


Les femmes sont-elles plus exposées que les hommes au cancer ?


Les femmes ne sont pas plus exposées que les hommes. Les deux sexes sont exposés de manière plus ou moins égale. Mais, en fonction des régions, il y a des cancers qui sont beaucoup plus fréquents chez la femme que chez l’homme. Il faut savoir que le problème du cancer est un problème essentiellement d’environnement, de race et d’habitude. Ainsi la consommation de l’alcool et celle du tabac constituent deux agents qui sont impliqués à près de 60 à 70% dans les cas de cancer.


Le cancer se guérit-il aujourd’hui ?


Le cancer est guérissable. Et si nous nous en tenons au dernier rapport de l’OMS, lorsque tous les moyens sont disponibles, et lorsque le diagnostic est posé précocement, 60% des cancers sont guérissables. Il faut également savoir que 1/3 de tous les cancers pourrait être évité par une politique de prévention appropriée.


Le fait que la population n’est pas assez sensibilisée, n’exprime-t-il pas une défaillance du système de santé qui jusque-là n’en a pas fait une préoccupation ?


Il faut savoir qu’il y a une quinzaine d’années, le cancer en Afrique en général n’était pas considéré comme une priorité. La priorité était donnée aux maladies transmissibles, c’est-à-dire les maladies infectieuses. Mais avec l’occidentalisation de la vie africaine, avec les facteurs infectieux importants, tels que la prévalence de l’hépatite B, l’importance du papillomavirus et aussi le paludisme, le cancer est devenu une maladie fréquente en Afrique. Et les cancers sur le continent sont essentiellement liés aux infections, mais aussi de plus en plus à l’environnement.


Et la prise en charge ?


C’est pour cela que pour une prise en charge, de manière efficace, il est important d’instaurer dans nos pays à faibles ressources, un plan national de lutte contre le cancer. D’où la création par le ministère du programme national de lutte contre le cancer.


Les rapports sexuels précoces sont l’une des causes du cancer. Faut-il associer le programme national de lutte contre le cancer à celui contre le SIDA ?


Le programme national de lutte contre le cancer va travailler avec plusieurs programmes. Notamment le programme de la lutte contre le VIH SIDA, dans le cadre de la prévention du cancer du col de l’utérus. Puisque ce cancer est considéré comme un cancer sexuellement transmissible. Le virus responsable est le Papillomavirus qui se transmet par voie sexuelle. Donc, il y aura une collaboration étroite avec le plan national de lutte contre le SIDA. Il y a aussi le programme national de lutte contre le tabagisme qui travaille de manière étroite avec le programme national de lutte contre le cancer, parce que le tabac est impliqué dans la genèse de nombreux cancers.


Allez-vous donc vous appuyer sur plusieurs programmes ?


Bien sûr, d’autres programmes vont travailler avec le cancer tels que le programme qui s’occupe des maladies chroniques. Le cancer en étant une. Tout en n’oubliant pas les programmes de nutrition, puisque la nutrition joue un rôle dans la prévention du cancer. Il faut encourager la population à consommer les fruits et légumes et à limiter la consommation de viande rouge et également d’aliments trop salés. Ce sont des actions qui vont être menées avec d’autres programmes. Cela est essentiel pour pouvoir mener à bien nos objectifs.


Le traitement du cancer est onéreux. Dans certains pays, c’est gratuit. Pourquoi ce n’est pas encore le cas en Côte d’Ivoire ?


Dans certains pays, comme le Niger et le Sénégal en Afrique, la France en Europe, il existe une prise en charge gratuite des patients cancéreux avec leur assurance qui couvre la sécurité sociale. En Côte d’Ivoire, nous n’en sommes pas encore là. Mais il existe déjà une politique du médicament. Ainsi depuis cinq à dix ans, des médicaments que nous mettons à la disposition de nos populations, sont des médicaments de moins en moins chers notamment avec les génériques qui viennent de l’Inde. Toutefois, l’un des objectifs du programme, c’est de faire en sorte qu’on puisse avoir une prise en charge des patients qui soit beaucoup plus accessible aux populations indigentes.


Le coût du traitement devient plus cher parce qu’il n’y a pas de radio thérapie en Côte d’Ivoire. Et les patients sont obligés d’aller à l’étranger.


Oui, les patients sont obligés d’aller à l’étranger. Sur les 52 pays africains, plus de la moitié n’ont pas de centre de radiothérapie. Et cela est un problème majeur. L’association internationale d’énergie atomique se penche sur ce problème, c’est pourquoi, le programme national de lutte contre le cancer fait de la création d’un centre de radiothérapie une de ses priorités pour une prise en charge complète. C’est l’un de nos objectifs et nous nous y attelons pour que nos populations puissent bénéficier d’une prise en charge complète. La radiothérapie est un moyen local de traitement du cancer qui utilise des rayons atomiques.
C’est un moyen qui s’associe à la chirurgie, dans le contrôle local du cancer. La radiothérapie est importante dans la guérison d’un cancéreux sur deux. Il est important que notre pays puisse s’en doter. Il existe une volonté politique de mettre en place cette radiothérapie en Côte d’Ivoire. Et le programme national de lutte contre le cancer va accélérer ce processus, pour que nous puissions très rapidement avoir ce centre de radiothérapie.


Le Forum National des confessions religieuses a fait allusion à une journée nationale de sensibilisation qu’en pensez-vous ?


Nous sommes tout à fait d’accord qu’il y ait une journée nationale. Je dirai même une semaine nationale. Parce qu’une journée aura un impact moins fort. Il faudra une semaine nationale où nous allons parler de tous les aspects du cancer. Le 4 février est la journée mondiale de lutte contre le cancer. Nous allons faire en sorte que ce 4 février, nous puissions, avec l’accord de nos gouvernants, instituer une journée nationale de lutte contre le cancer qui pourra se faire du 4 au 11 février. C’est à partir de cela que nous pourrons faire de la sensibilisation à plus grande échelle.


Source: Fraternité Matin

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