Côte d`Ivoire: Les effets d`un accord mal négocié

23 septembre 20099min1900

Elle se frotte sans doute les mains, mais Trafigura qui dit être  parvenue à un autre accord avec ses interlocuteurs ivoiriens, est  toujours enlisée dans les déchets toxiques déversés par elle dans des  décharges à ciel ouvert à Abidjan il y a trois ans. En effet, les  ennuis judiciaires de la multinationale sont loin d’être terminés car  l’accord d’indemnisation ne concerne qu’environ un tiers des 108 000  victimes. Au total, 31 000 personnes avaient engagé au niveau des  tribunaux britanniques un procès devant se dérouler très prochainement.

Pour la deuxième fois donc, Trafigura réussit à éviter le banc des  accusés. En 2007, elle était parvenue à conclure un accord avec le  gouvernement ivoirien. La société avait dû payer 100 milliards de F CFA  en échange de l’abandon de toute poursuite en Côte d’Ivoire. Le récent  accord montre que l’on pourrait aller de rebondissements en  rebondissements dans cette affaire. Il faut compter avec l’apparition  progressive de nouveaux acteurs dans le traitement du dossier. Cela,  d’autant qu’il n’est pas certain que les clauses soient bien connues  des victimes auxquelles l’on fait parfois signer n’importe quoi. En  acceptant d’empocher les sous, ce contingent des victimes du Probo  Koala ne pourra plus intenter une action en justice contre l’affréteur  du navire.

L’évolution de ce dossier témoigne d’une réelle insatisfaction.  D’une part, les victimes se sentant flouées, engagent procès sur  procès. D’autre part, la multinationale qui espère chaque fois en avoir  vraiment fini, se retrouve à nouveau interpellée. Trafigura aura  pourtant déployé bien des efforts pour surmonter la crise : batterie  d’avocats, spécialistes de la recherche scientifique, etc., auront tout  fait, allant parfois jusqu’à nier l’évidence. Il faudra pourtant  débourser encore et certainement une prochaine fois car ce n’est guère  fini. La société, qui tient à défendre sa crédibilité, devra se  résoudre à répondre de ses actes devant le tribunal de l’histoire.  Ceci, à l’instar de toutes ces multinationales qui aiment à profiter de  la mal gouvernance qui caractérise la gestion des Etats africains, et à  abuser de la naïveté et de l’ignorance de citoyens sous informés et en  apparence sans défense.

Depuis sa naissance, cet accord, s’il en est, donne le sentiment  d’avoir été mal négocié. D’abord, on note de sérieuses divergences  entre l’Etat ivoirien et ses citoyens victimes d’actes répréhensibles,  occasionnés par des délinquants à col blanc. Selon toute vraisemblance,  l’Etat semble avoir choisi de défendre ses propres intérêts et non ceux  de ses contribuables touchés par la forfaiture. Il semble avoir opté de  les abandonner à leur triste sort, une fois empochés les milliards  malodorants.

Ensuite, les Ivoiriens sont partis en bandes dispersées. Le problème  semble même se complexifier avec l’apparition de nouvelles fissures  dans les rangs des victimes. Ainsi, alors que les uns se sont empressés  d’empocher les sous proposés au premier tournant de l’histoire, les  autres ont choisi de poursuivre les fauteurs en eaux troubles. C’est le  propre de nos sociétés où il existe différentes classes de citoyens :  celles composées d’indigents, d’analphabètes et de gens mal informés et  mal encadrés ; mais aussi celles de personnes éclairées et avisées face  à certaines situations. Et pourtant, la preuve, encore une fois, a été  donnée aux incrédules : la lutte finit toujours par payer. Ceux qui ont  bondi pour se saisir des premières propositions de sous, auront donc  implicitement accepté de se plier aux exigences de la société, laquelle  n’a aucun intérêt à voir se multiplier des procès susceptibles  d’entacher sa réputation et donc sa crédibilité auprès de l’opinion  publique occidentale et singulièrement des bailleurs de fonds. Les  multinationales, on le sait, n’ont aucunement intérêt à se faire salir  les dossiers au moyen de procès qui sont aussi susceptibles de les  ruiner. Mais comment dans nos pays, faire en sorte de démasquer les  auteurs et de juger les personnes compromises ? Comment rendre justice  aux citoyens victimes de forfaitures tout en évitant de consacrer une  quelconque forme d’impunité ?

Dans le cas présent, des questions se posent. Les victimes ont-elles  été bien recensées ? Ont-elles été bien informées quant aux tenants et  aboutissants des dossiers engagés auprès de la justice nationale ou  internationale ? L’Etat qui agit au nom de la communauté, est parfois  pris en étau entre les intérêts nationaux et ceux découlant des  impératifs internationaux. Il arrive que dans cette atmosphère, le  citoyen soit toujours le dindon de la farce. Des avocats internationaux  rompus aux taches de sauvegarde des grandes corporations ayant vite  raison de l’expertise nationale marquée par le manque patent de  ressources.

Des exemples existent qui ont pourtant montré que l’acharnement dans  certains cas paie bien. En Afrique du Sud et au Nigeria, les procès  engagés contre de grandes corporations ont été salutaires. Il  appartient aux Etats africains de disposer d’instruments fiables là où  il n’en existe pas. Face à ces nouvelles menaces qui profitent de la  cupidité et de l’irresponsabilité des autres, quoi de plus urgent que  de conjuguer les efforts au sein de structures régionales pour  annihiler ces dangers ?

Pour le cas de la Côte d’Ivoire, sans doute aura-t-il fallu  solliciter la contribution d’experts locaux, mais surtout bénéficier du  soutien d’amis fort expérimentés du Nord pour disposer de dossiers bien  ficelés et adopter des voies de recours appropriées. La reculade de  Trafigura incite en tout cas à saluer et encourager ce type de  partenariat Nord-Sud. Il reste à s’assurer de la transparence de la  gestion des fonds, en particulier les milliards encaissés par l’Etat  ivoirien. Celui-ci doit rendre compte de l’utilisation de cette somme  colossale qui doit constamment rappeler à l’esprit les souffrances et  l’agonie des victimes des déchets toxiques. Il faut sur ce plan acculer  les gouvernants ivoiriens car c’est le propre des dirigeants du  continent de ne jamais rendre compte au contribuable.

L’Etat ivoirien qui a encaissé des milliards, doit lui-même se  trouver aujourd’hui dans l’embarras. A deux pas de l’élection  présidentielle, le régime du président Gbagbo pourra difficilement  demeurer sourd aux appels de détresse des victimes des déchets  toxiques. Pendant combien de temps pourra-t-il garder les bras croisés  devant leurs initiatives ?

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