Cameroun: Ces mères qui tuent leurs bébés

30 juillet 201211min7620

Il ne se passe plus un jour sans que la dépouille d’un nourrisson soit découverte dans une de nos villes.

Horreur et stupéfaction lundi dernier au quartier Mokolo, à Yaoundé ! Le cadavre d’un foetus de près de sept mois repose dans un bac à ordures, dans un sachet plastique. Le corps humide et entouré de détritus est exposé depuis près de deux heures, avec son cordon ombilical enroulé entre les jambes. Des sous-vêtements féminins maculés de sang sont posés près de lui, provenant eux aussi du scandaleux colis, pris d’assaut par des mouches.

C’est un éboueur qui a fait la macabre découverte en assurant la propreté autour d’un bac à ordures, devant la pharmacie Royale. « La fille, 25 ans environ, est arrivée vers 11h et j’ai pensé qu’elle venait juste jeter des ordures. J’ai un peu discuté avec elle, puis elle a lancé son paquet dans la poubelle et est partie. C’est quelques minutes après son départ que j’ai remarqué du sang s’échappant du plastique. Je suis alors rentré dans le bac à ordures pour examiner son contenu. Et là, stupeur ! J’ai essayé de retrouver la coupable, sans succès », témoigne l’éboueur. Les curieux, accourus nombreux, crient leur colère et dénoncent cette mère indigne. Pourtant, son cas n’est pas isolé.

La mémoire collective grouille d’histoires de dépouilles de nourrissons retrouvées dans la poubelle, les ruisseaux, rigoles, fosses d’aisance et autres terrains vagues. Ces infanticides d’un autre genre alimentent d’ailleurs régulièrement la rubrique faits divers dans les différents médias. Les uns plus sordides que les autres. Si le phénomène a semblé se tasser il y a quelque temps, il est en nette recrudescence ces derniers mois. De Douala à Maroua, en passant par Yaoundé, Bafoussam, Bamenda, le triste phénomène étend ses tentacules. Au point que même les campagnes n’y échappent plus, entraînant une litanie de questions.

Qu’est-ce qui peut pousser une mère à traiter le fruit de ses entrailles de cette manière ? Notre société est-elle devenue à ce point amorale qu’elle classe ses rejetons avec les ordures ? Pourtant, le choix n’a jamais été aussi vaste en matière de méthodes de contraception qu’en ce moment. « Celles-ci sont à la portée de toutes les bourses si on considère par exemple qu’une boîte de quatre préservatifs revient à 100 Frs seulement. Et puis, le cycle d’une femme ne lui permettant pas de concevoir tous les jours, celles qui ne veulent pas d’enfant peuvent s’abstenir quelques jours au lieu d’avoir à tuer », explique une pharmacienne, révoltée. Et dire que de nombreuses autres femmes souffrent de ne pas avoir d’enfant. Quel gâchis !

« La perte de nos valeurs y est pour beaucoup »

Samuel-Béni Ella Ella, PhD, Sociologue de la population et du développement, Département de Sociologie, Université de Yaoundé I.

Qu’est-ce qui peut expliquer la multiplication des cas d’infanticide relatifs aux nouveau-nés, alors même que les méthodes de contraception sont vulgarisées ?

D’une part, la perte de nos valeurs traditionnelles y est pour beaucoup. L’enfant n’est plus une richesse ou un don de Dieu et enfanter n’est plus un acte honorable ou un modèle social pour nombre de mères d’aujourd’hui (chez les Beti du Sud-Cameroun, la femme qui vient d’accoucher est appelée  » la femme accomplie »). D’autre part, une chose est de vulgariser la contraception moderne, une autre est de démocratiser l’accès à cette contraception : combien d’hôpitaux de base (commune, village) disposent des services et du personnel spécialisés? Là est aussi le problème.

Comment une jeune fille ayant commis un tel forfait peut-elle vivre la situation durant le reste de sa vie ?

Apparemment, elle se sent libérée de sa charge financière (le futur nouveau-né), si l’opération réussit. Au cas contraire, il peut y voir des séquelles physiques. Mais, le vrai juge étant la conscience individuelle, elle vivra dans le remord, le regret toute sa vie. Surtout, lorsqu’elle se rendra toujours compte de son acte déviant… Et puis il faut reconnaîetre que quand on a blessé la morale en abandonnant un bébé dans une poubelle, le remord peut être si fort que l’auteur du crime soit obligé de l’avouer un jour pour expier le forfait. Il peut l’avouer à un prêtre ou un pasteur.

Un nouveau-né dans une poubelle ou un champ : c’est presque devenu ordinaire. La société ne se rend-t-elle pas complice du phénomène qui se banalise ?

Bien sûr que si, parce que notre société se contente d’établir des normes sociales sans s’occuper de leur application quotidienne. Or, la déviance est le produit de la réaction des autres. Autrement dit, le caractère déviant d’un acte dépend de la manière dont les autres membres de la société réagissent à cet acte.

La peur du gendarme étant le commencement de la sagesse, que font les défenseurs de nos coutumes, une fois qu’un membre du groupe est accusé d’avortement ou d’abandon du fœtus? Que font nos multiples églises? Une chose est de marcher contre le Protocole de Maputo (qui n’autorise pas l’avortement illégal), une autre est de réprimander systématiquement toute personne coupable d’avortement ou d’abandon de bébé.

Que font nos magistrats, une fois informés d’un acte d’avortement illégal puni par l’article 337 de notre Code pénal ? Finalement c’est une responsabilité qui ne se limite pas au simple coupable.

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