Trop c’est trop ! Après un énième cambriolage de pharmacie qui a fait un mort et suscité une vive émotion dans l’opinion publique, les autorités sénégalaises ont renforcé leur lutte contre le commerce illicite de médicaments. Dans les rues, les petits vendeurs continuent leur business, mais sous le manteau.
Quatre mois de prison ferme et 500 mille Fcfa (près de 800 -) d’amende. Reconnus coupables de contrebande et de vente illégale de produits pharmaceutiques, deux trafiquants sénégalais ont été condamnés, mi-septembre, par le tribunal de Dakar. Un mois plus tôt, les deux hommes en provenance de Touba, une ville située à 200 km à l’est de la capitale, avaient été appréhendés par la gendarmerie avec un important lot de pommades et de comprimés contrefaits. Valeur des produits saisis : plus de 4 millions de Fcfa (environ 6. 000 -).
Cette condamnation est une première du genre au Sénégal. Elle illustre la nouvelle détermination de l’Etat à lutter contre le commerce illicite de médicaments. Ce marché parallèle se composerait de médicaments contrefaits, fabriqués en Chine, et transitant par le Nigeria avant d’arriver notamment au Sénégal et de médicaments authentiques volés dans les pharmacies avant de se retrouver dans la rue. ‘Ces importations et ces reventes hors des officines représentent près de 8 milliards de Fcfa par an (plus de 12 millions d’-)’, estime le Dr Aboubakrine Sarr, président du Syndicat autonome des pharmaciens privés du Sénégal.
Ces derniers temps, les attaques de pharmacies sont plutôt moins nombreuses (environ 50 en 2008 contre 13 en 2009, Ndlr), mais aussi plus violentes. Fin juillet, à Dakar, des bandits ont attaqué une officine et tué un jeune homme qui s’opposait à eux. C’est au lendemain de ce crime qui a ému l’opinion publique, que les autorités ont interdit la vente de médicaments dans les rues. Jusque-là, la loi interdisant cette vente n’avait jamais été appliquée. Les vendeurs faisaient donc leur business au vu et au su des autorités.
‘Les médicaments de la rue, ça tue !’
Désormais mal vus, les vendeurs du circuit parallèle se font discrets. A Dakar, Keur Serigne Bi, une maison appartenant à un grand marabout d’une influente confrérie religieuse, a par exemple été interdite de vente. Depuis une dizaine d’années, dans cette gigantesque pharmacie informelle, des centaines de vendeurs ‘offraient’ des médicaments à des prix défiant toute concurrence, en toute liberté. Désormais, à l’entrée de la maison du marabout, on rencontre encore des récalcitrants, mais c’est sous le manteau qu’ils proposent leur marchandise. Et cela, en dépit des contrôles des forces de l’ordre.
A côté de ce volet répressif, qui a ses limites, l’ordre des pharmaciens mène différentes actions pour faire comprendre aux gens qu’ils se mettent eux-mêmes en danger en se soignant à bas prix avec de faux médicaments ou des médicaments périmés. ‘Ces produits, dont les conditions de conservation laissent à désirer, nuisent à la santé’, avertit la major Nafi Fall de l’Hôpital principal de Dakar. Depuis cinq ans, des campagnes de sensibilisation sont organisées, de même que des émissions débats dans les médias, des sketches, des spots publicitaires à la radio et à la télévision. ‘Chaque fois que tu achètes ton médicament dans la rue, tu achètes ta mort’ ou ‘Les médicaments de la rue, ça tue !’, sont quelques-uns des messages véhiculés par les pharmaciens.
Aujourd’hui, bon nombre de Sénégalais soutiennent leur lutte. Vieux Diène, un enseignant, ne voit par exemple pas l’utilité d’acheter des comprimés chez les vendeurs de rue. ‘Les pharmacies et les centres de santé vendent aujourd’hui des médicaments par tablettes, à des prix abordables’, estime-t-il. La santé a un coût, mais elle n’a pas de prix
