Malgré les campagnes de sensibilisation et de prévention sur le SIDA, la pandémie continue de faire des ravages au Cameroun. Selon les chiffres du plan stratégique de lutte contre le SIDA, ce pays a enregistré environ 60.000 nouvelles infections en 2009 et 33.000 décès liés à la maladie.
La prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA constitue un axe majeur de la politique sanitaire de l’Etat camerounais soutenu par ses partenaires internationaux. Pour 2010 par exemple, selon les chiffres du Comité national de lutte contre le SIDA (CNLS), le Cameroun dépensera quelque 490,9 millions de francs CFA (environ un million de dollars) pour l’accès aux traitements et soins en faveur des enfants et adultes vivant avec le VIH/SIDA.
Face aux dépenses considérables consacrées à l’achat des médicaments pour soigner les malades du SIDA, un nouvel espoir est venu de Douala, la capitale économique du Cameroun, où a été inauguré, le 8 avril, le laboratoire de la Compagnie industrielle pharmaceutique (Cinpharm). La Cinpharm envisage de fabriquer, à partir de juin, des médicaments génériques parmi lesquels les anti-rétroviraux (ARV) à des prix coûtant de 30 pour cent à 40 pour cent moins chers – et d’égale qualité – que ceux disponibles actuellement sur le marché national.
L’implantation de ce laboratoire pharmaceutique ne sera pas seulement une aubaine pour le gouvernement du Cameroun qui pourra réaliser de substantielles économies dans l’acquisition des ARV. Les malades du SIDA se sentiront aussi soulagés.
Selon le fondateur du Cinpharm, Célestin Tawamba, le coût global des investissements mobilisés pour l’implantation du laboratoire, s’élève à quelque 11 milliards FCFA (environ 22,9 millions de dollars).
«Le gouvernement ne subventionne que les anti-rétroviraux de première ligne et de deuxième ligne. Les ARV de troisième ligne ne sont pas encore subventionnés et coûtent extrêmement chers. Les malades qui sont sous ARV de troisième ligne doivent se prendre en charge eux-mêmes», a expliqué à IPS, Hilarion Fortuné Manga, président du comité directoire du Réseau des associations des personnes affectées ou infectées par le VIH au Cameroun (Rapaic).
Pour les malades du SIDA sous ARV de troisième ligne, la fabrication de ces ARV au Cameroun sera un soulagement car la plupart des personnes qui ont développé une résistance aux ARV de deuxième ligne doivent souvent être évacués vers les pays développés pour le traitement aux ARV de troisième ligne.
Comme les ARV de première ligne et de deuxième ligne sont gratuits pour les malades depuis 2007 dans ce pays d’Afrique centrale, les ARV de troisième ligne seront également subventionnés dès qu’ils seront disponibles au laboratoire du Cinpharm, affirme Dr Ibilié Abessouguié, secrétaire exécutif du CNLS.
Selon les spécialistes, il devient urgent pour le gouvernement et ses partenaires d’acquérir les ARV à des prix plus abordables par rapport au nombre de malades en constante progression. En 2009, seuls 76.228 personnes étaient sous ARV sur un total de 164.070 infectés au VIH, soit 46,6 pour cent seulement des personnes qui étaient potentiellement dans le besoin de ce traitement, selon le CNLS.
Le Raipac exprime toutefois quelques inquiétudes par rapport aux ARV qui seront produits par la Cinpharm. «Est-on vraiment sûr que ces génériques seront certifiés et de bonne qualité? En outre, est-ce certain qu’ils seront moins chers? Car si les comprimés sont fabriqués à 10 FCFA par exemple et sont taxés à 20 FCFA, ils reviendront chers. Donc, il faut accorder des facilités fiscales à cette compagnie», explique le président du Raipac.
Ces inquiétudes ont trouvé leurs réponses le jour de l’inauguration du laboratoire. «On est assuré que Cinpharm pourra fabriquer des médicaments de haute qualité qui répondent aux normes internationales», a affirmé à IPS, Markus Geibel, représentant de la Société allemande d’investissement et de développement (DEG), un des partenaires financiers du laboratoire.
Pour sa part, le ministre de la Santé publique, André Mama Fouda, a exprimé le soutien du gouvernement camerounais à cette initiative du Cinpharm. «Plus la chaîne de distribution des médicaments est courte, moins il y a des risques de trafics», avait-il déclaré notamment le jour de l’inauguration du laboratoire.
Mais, les patients soulèvent une autre inquiétude : la mise sous ARV nécessite au préalable la réalisation d’un bilan thérapeutique pour les malades. Ce bilan est facturé à 3.000 FCFA (environ 6,25 dollars) au patient qui sera remboursé plus tard par le gouvernement.
Tous les patients n’ont pas toujours cette somme à payer, souligne Manga à IPS, indiquant, par ailleurs, qu’il est parfois demandé à certains patients de débourser 14.800 FCFA (environ 30 dollars) au lieu de 3.000 FCFA. Ce qui complique davantage la situation.
«Je ne sais pas pourquoi ils le font, mais nous avons reçu les plaintes de certains malades et nous avons déjà attiré l’attention des autorités là-dessus, et nous sommes en train de mener nos enquêtes», ajoute le président du Raipac.
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