Burkina Faso: Les alcools frelatés – Ces ennemis intérieurs

26 janvier 20107min2760

Il ne s’agit pas de l’industrie des armes lourdes ou légères dont
l’écoulement vers les pays pauvres fait le bonheur des bandits de tout
poil. Ni de la drogue dure et de ses effets dévastateurs bien connus.

De la lucarne à partir de laquelle nous observons ces déchets
toxiques d’un autre genre et d’un autre monde, nous voudrions parler
des industries burkinabè des « alcools » frelatés : ces produits
méritent bien qu’on s’y attarde et qu’on en parle au pluriel, car il y
a maintenant des alcools de tous les goûts, de toutes les marques, de
tous les degrés, à tous les prix. Dans tous les coins et recoins de
notre capitale, on en trouve à tout moment, le jour comme la nuit. De
petits kiosques en contiennent plus qu’on ne peut l’imaginer : et ça
marche !

Il s’agit d’abord d’industries et, à ce titre, ce sont des
entreprises qui ont demandé un effort d’investissement à des hommes et
femmes dynamiques ayant pris le risque de les faire exister. Une fois
implantées, ces entreprises contribuent à « résorber le chômage et la
délinquance ». Des techniciens de ces usines aux vendeurs de kiosques
sans oublier commerçants grossistes et détaillants, on dénombrerait des
centaines de familles en ville comme en campagne qui vivent
aujourd’hui, au Burkina Faso, grâce à la production et à la vente des
alcools frelatés.

S’il n’y avait que ce côté positif, qui ne s’en réjouirait pas ?
Mais le problème, c’est que cette marchandise n’est pas comme les
autres. La production, la vente et la consommation de ces décoctions de
la mort méritent qu’on y réfléchisse par plus d’une fois avant de s’en
adonner à coeur joie.D’abord, on remarque que ces poisons sont bien
emballés : de jolies bouteilles portant de beaux noms et de belles
images dont le label évoque toujours le luxe, le sexe, la violence et
l’argent : juste comme les pauvres aiment à les voir pour leur
enchantement et leur évasion.

Ensuite, le prix est mieux étudié que celui de la nivaquine et
l’aspirine. Pour une broutille, l’ouvrier peut rivaliser avec son
patron en dégustant une boule de liqueur de renommée mondiale. Enfin,
la distribution est très large. On trouve ces liquides sulfureux à
Ouagadougou. Partout. Surtout au bord des ruelles conduisant aux
quartiers des non-lotis.

Ainsi, le soir, en rentrant chez eux à la tombée de la nuit et
incertains de ce qui va se passer à la maison, de nombreux citoyens
succombent à la tentation d’embrasser la mort. Un adage dit : « Pour
déjeuner avec le diable, il faut avoir une longue cuillère… » A
Ouagadougou, il faut moins qu’une cuillère. Trente secondes et 50
francs CFA suffisent. Et nous voilà à table avec « him », dans la
pénombre d’un kiosque en banco ou en tôle.

Il y a beaucoup de Burkinabè vivant de ces industries. Ce faisant,
ils vivent de la mort des autres. Comme le dirait le proverbe, « ils
cachent des déchets pour mieux savourer la farine de néré délayée ».
Puissent-ils ne pas l’oublier !

Ces liqueurs ou ces venins font, à long terme, plus de mal que de
bien. Les gains individuels réunis ne compensent guère les pertes
collectives cumulées. Nos travailleurs les plus robustes et notre
jeunesse, ceux-là mêmes qui ont fait la renommée du Burkina Faso, «
terre des hommes », réservoir de main d’oeuvre et de combattants
intrépides, seront des épaves dans quelques années.

C’est autour de ces bouteilles insensées que se prennent les pires
décisions, nocives pour toute la société. Et que dire des morts
brutales qui sont de plus en plus fréquentes et nombreuses ? Des
maladies sans nom ? Des états de vieillesse prématurée ? Des enfants de
la rue devenus des ombres faméliques tellement ils ont séché en se
gavant de tord-boyaux au nez et à la barbe de leurs aînés ?

Ces industries de la mort constituent, un chancre purulent pour
notre société, ses valeurs cardinales et ses rêves les plus légitimes.
Déjà, les cercles d’amis qui s’y adonnent régulièrement sont des
cercles où personne ne peut donner un conseil recommandable à l’autre.
Le verre à la main, l’injure à la bouche, ils se contentent d’organiser
leur évasion de la prison d’airain dont s’encombre notre commune
condition, en forçant les portes de l’oubli. Une manière de traire le
bouc !

Et il continuera de naître, dans nos maternités, des monstres. Non
dans le sens acceptable de déviants, mais bien dans le sens d’individus
pervers et redoutables à voir : des êtres qui ont physiquement et
mentalement rompu d’avec leur racine généalogique. Ce que nous faisons
et laissons faire ne concordent pas toujours avec l’expression de nos
engagements dans le sens du développement. Ces industries de la mort et
de l’illusion entravent la réalisation de notre projet de société.

Si l’on demandait aux Burkinabè de lever une armée pour lutter
contre un envahisseur physique, pas un seul homme, comme de par le
passé, ne se déroberait à ce noble engagement. Mais l’ennemi qui nous
tue aujourd’hui, en nous vidant de nos entrailles, de nos valeurs et de
notre avenir est à côté et au-dedans de nous. Avons-nous encore besoin
d’attendre pour affûter nos armes ? Chacun de nous est interpellé.

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